Cinéaste franco-vietnamien auréolé de succès depuis ses débuts, Trân Anh Hùng a filmé le Vietnam, le Japon ou la France avec une grande sensualité. Son ode à l’art culinaire n’échappe pas à la règle. Alors que Dodin Bouffant a été choisi pour représenter la France aux Oscars, on a rencontré son discret maître d’œuvre à l’œil pétillant.

Vous vouliez depuis longtemps tourner un film sur la gastronomie. Qu’est-ce qui vous lie à cet art de vivre ?

Trân Anh Hùng : Je pense que tout cinéaste souhaite réaliser au moins une fois un film sur l’art. Et s’il y en a déjà beaucoup sur la peinture ou la musique, j’avais personnellement envie d'en consacrer un à l'art culinaire ! Je me suis dit, voilà quelque chose que je pourrais montrer pour de vrai. En peinture, c’est toujours difficile de rendre un acteur crédible.

Comment représenter alors "pour de vrai" la cuisine au cinéma ?

J’ai rejeté ce qu’on voit à la télévision, c’est-à-dire une simple mise en beauté des plats. J’avais un axe : montrer des hommes et des femmes au travail, qui exercent l'art de transformer des matières premières. Il fallait montrer cette transformation, pour éveiller la mémoire gustative du spectateur. Quand bien même le cinéma n’est pas olfactif, je crois profondément aux pouvoirs de la mise en scène pour compenser cela.

D’un point de vue narratif, vous vous refusez à la dramatisation pour proposer plutôt une expérience sensorielle...

C’est très important, car la cuisine est liée pour moi à la sensualité. Pour l’évoquer, j’ai voulu créer un ballet, au sens où les personnages se connaissent et travaillent ensemble. Le grand pari, c’était de traduire par le cinéma cette harmonie sensuelle dans le déplacement des corps, les gestes, les regards qui s’échangent. C’est aussi ce repas central, celui que prépare Dodin pour décider Eugénie à l’épouser, qui m’a permis d'échapper au piège des films sur la cuisine : le fait que le drame supplante l'aspect culinaire. Je voulais au contraire parvenir à une fusion des deux, comme lors du dessert où passion culinaire et amour s’entremêlent.

Le résultat doit beaucoup à l’image du chef opérateur Jonathan Ricquebourg, qui est extraordinaire de profondeur. Comment s'est déroulée la collaboration avec lui ?

Je l’ai choisi pour une mauvaise raison : il était jeune et m’évoquait moi à son âge. Je me souviens qu’on avait tourné Cyclo (1995) avec une équipe très jeune, pour aboutir à un film d’une maîtrise incroyable. Il était comme moi un ancien élève de l’école Louis-Lumière, je n’ai pas hésité. Je donne beaucoup de liberté à mes collaborateurs, donc je lui ai dit: "La beauté du film, la lumière, ça t’appartient." En revanche, je me suis attribué le cadre car je considère qu’il est l’écriture même du réalisateur. Ce que je précise toujours, c’est aussi que je veux sentir la peau des acteurs. On leur met des mots et des idées dans le corps, mais à la fin c’est la peau qu’on voit. Le cinéma, c’est de l’incarnation ; c’est concret.

Vous n’êtes pas de ceux qui lissent les peaux, comme cela se fait aujourd’hui.

J’étais l’un des premiers cinéastes en France à utiliser les caméras numériques, car elles filment la peau avec une plus grande précision. On y voit aussi les défauts, mais je le préfère à la beauté immédiate de la pellicule. Le grain y casse les aspérités. C’est un vrai savoir-faire d’embellir la peau à l’écran, mais le rendu est alors presque trop beau, et n’est plus assez vrai.

Depuis Éternité (2016), votre cinéma se tourne vers la France et non plus le Vietnam ou le Japon. Pourquoi ce désir de culture française, cette envie de la célébrer aussi ?

La célébration, c’est conscient de ma part. Je sais que ce n’est pas très à la mode, mais c’est inévitable au sens où je souhaite rendre hommage à mon pays d’accueil. En arrivant, j’étais d’ailleurs émerveillé par l’art de la conversation à la française. Au Vietnam on ne parlait pas à table, tandis qu’en France il s’y dit beaucoup de choses. Il y a aussi cet esprit de mesure dans l’art français, que je trouve sublime. C’est-à-dire qu’on n’essaye jamais d’en faire trop: il y a ce qu’il faut et c’est suffisant. Cela reflète un sens de l’élégance, qu’on retrouve je l’espère, dans mon film.

Cette interview est issue du Mag by UGC.

La Passion de Dodin Bouffant, un film labellisé UGC Aime, à découvrir actuellement dans nos cinémas.

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