LE RÉPONDEUR
Le romancier Pierre Chozène a le plus grand mal à terminer le livre le plus ambitieux de sa carrière. En cause, les nombreux appels que l’écrivain reçoit de son ex-femme, de sa fille et de son éditeur. Tout débrancher ? Pas forcément. La rencontre avec Baptiste, imitateur dans la dèche, donne à Pierre une idée, aussi originale que disruptive : faire du comique son répondeur téléphonique personnel.
Pourquoi y aller :
Certains l’ont découverte en documentariste empathique (son portrait du braqueur Michel Vaujour dans Ne me libérez pas, je m’en charge), d’autres en autrice de comédies originales (Une place sur terre). Avec Le Répondeur, la cinéaste Fabienne Godet tient sa comédie la plus réjouissante à ce jour. Un film en ligne directe avec notre monde hyperconnecté et les stratégies qu’il faut imaginer pour réussir à en décrocher.
5 QUESTIONS AVEC MICHAËL GREGORIO
(Humoriste et coach voix sur Le Répondeur)
Il fallait bien un imitateur, et de préférence un des meilleurs du circuit actuel, pour coacher l’acteur Salif Cissé et lui apprendre à reproduire la voix de Denis Podalydès dans la comédie Le Répondeur. Dans ce rôle, Michaël Gregorio nous raconte l’enfance de l’art, son expérience au cinéma et plein d’autres choses.
Tu saurais dire ce qui t’a amené à devenir imitateur ?
Pendant mon enfance dans la Meuse, j’étais un gamin assez timide. C’est souvent un trait commun que partagent les imitateurs : au départ, on n’est pas sûrs de nous, pas à l’aise avec ce qu’on pense dégager… Sans doute que ça explique, en partie, pourquoi on va chercher à se cacher derrière la voix d’autres personnes. Ceux qui nous apparaissent plus charismatiques qu’on ne le sera jamais nous donnent de la confiance. Moi, c’étaient les chanteurs que j’écoutais et qui étaient mes idoles – Thom Yorke (Radiohead), les Beatles, Depeche Mode, Kurt Cobain (Nirvana)… – mais aussi les humoristes. À côté de ça, comme je regardais beaucoup de films, souvent en VF, je me mettais à reconnaître presque instinctivement les comédiens de doublage. Mais ma vocation est aussi née lorsque j’ai découvert que je me sentais bien sur scène, même si j’ai rapidement pris conscience que je ne serais jamais un Rafael Nadal du cinéma ou de la musique.
Qu’est-ce qui t’a amené à devenir coach vocal sur Le Répondeur ?
Mon implication a débuté lorsque la réalisatrice Fabienne Godet est entrée en contact avec moi pour son scénario. Au départ, comme le personnage de Baptiste, joué par Salif (Cissé), est un jeune imitateur, elle cherchait des détails pour raconter, de manière crédible, son quotidien – comment ça se passe sur scène et à quoi peut ressembler l’ambiance dans les loges une fois un spectacle d’humoriste terminé –, elle avait besoin d’un guide pour l’aider à appréhender toute la logistique de notre métier. Et puis, elle m’a demandé de m’impliquer aussi en aidant Salif Cissé à prendre la voix de Denis Podalydès.
Et la voix de Denis Podalydès, selon toi, qu’a-t-elle de particulier ?
Déjà c’est une très belle voix, très posée, mélodieuse et enveloppante. On distingue souvent cette musique chez celles et ceux qui ont fait du théâtre à un haut niveau. Le challenge dans le film n’est d’ailleurs pas que Salif Cissé la reproduise à l’identique. Ça aurait rendu les choses artificielles ou, pire, certains auraient imaginé qu’on avait eu recours à l’IA. J’aime bien l’idée selon laquelle le cinéma peut rester un milieu où s’exercent plein de tout petits artisanats. Le mien était de trouver le point de rencontre vocal entre les inflexions de Denis et celles de Salif.
En pratique, cela donne quels genres d’exercices ?
Pour commencer, il faut observer plein de choses physiques – la manière de se tenir, le port de tête, une façon de tenir une fourchette même. Ensuite, on écoutait des enregistrements de Denis et on essayait d’en repérer les petits tics – ce qu’on appelle la friture dans notre jargon d’imitateurs. Enfin, pour détendre la voix, on a fait des petits exercices vocaux en essayant de parler avec ce gros accent californien traînant qu’ont les Vanilla Girls – « Weeeeell, you knooooow ! It’s amaaaaaazing ! » –, ces influenceuses que tu peux voir sur les réseaux sociaux et qui sont toujours dans un enthousiasme débordant face à tout et n’importe quoi. À l’arrivée, ça permet de développer quelque chose. Enfin, surtout si j’ai été un bon prof…
Comment expliques-tu que si peu d’imitateurs deviennent comédiens dans des premiers rôles ? Est-ce seulement à cause de la timidité dont tu parlais au début ?
Peut-être, mais quand j’observe certains de mes confrères et consœurs, je sais qu’ils pourraient se confronter à de grands rôles au théâtre ou au cinéma. Par exemple, je me souviens d’un film, passé inaperçu, dans lequel Laurent Gerra jouait. Franchement, il était hyper bon. Il a cette aura.En Amérique du Nord, il y a l’exemple d’un Jim Carrey – aussi extraordinaire dans le registre de l’imitation que dans des rôles plus dramatiques au cinéma –, mais il bouffe tout. Je crois que les cinéastes et les producteurs se disent : « S’il a choisi le métier d’imitateur, c’est pour ne pas aller sur le terrain de la sincérité… » Et rien n’est plus faux.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Le Répondeur, un film labellisé UGC Spectateur, à découvrir actuellement au cinéma.