Devant la caméra d’Isabelle Brocard, elle prête ses traits à la marquise de Sévigné, personnage clé de la littérature française. L’actrice dessine avec force le portrait complexe d’une femme libre, pourtant traversée par une fragilité insoupçonnée. Rencontre.

Madame de Sévigné est un personnage très paradoxal. En voulant garantir à sa fille la liberté dont elle dispose, elle finit par la contraindre. C’est cette ambiguïté qui vous a attiré vers ce personnage ?
J’aime la modernité de ce que raconte cette relation. On peut certes la juger, mais c’est une relation tellement complexe et ambivalente… C’est un amour qui a trop d’enjeux. L’histoire se déroule au XVIIe siècle, mais elle pourrait tout à fait se dérouler à notre époque. L’amour filial, même lorsque tu penses donner le maximum, faire de ton mieux, renferme toujours beaucoup de toxicité.

Comment avez-vous exploré le trouble au coeur de cette relation avec l’actrice Ana Girardot, qui incarne Françoise, la fille de Madame de Sévigné ?
J’ai beaucoup aimé cette rencontre. Ana avait des scènes très fortes, et c’était assez beau de la voir s’emparer de ces scènes chargées de violence et de démesure. J’ai vraiment vu l’actrice sortir d’elle, c’était assez chouette de pouvoir assister à ça. Je crois qu’en tant que mère, et elle en tant que fille, c’étaient des situations qu’on connaissait toutes les deux, de plus ou moins loin.

En tant qu’actrice, comment aborde-t-on cette figure majeure de l’histoire littéraire ? Avez-vous eu le besoin de vous imprégner de son œuvre et de sa plume pour l’incarner ?
J’ai plutôt eu besoin de comprendre le sens de ses mots. Quand elle écrit « les transports qui m’habitent », il faut comprendre qu’elle parle de ces émotions qui sont enfouies en elle, qui ne la laissent pas tranquille. Ce sont des émotions tellement fortes qu’elle les rumine en permanence, elle est incapable de penser à autre chose. Elle est obsédée par l’émotion que lui suscite le départ de sa fille. Ce n’est pas seulement de la tristesse, c’est aussi de la culpabilité, du regret… Il fallait que je comprenne exactement ce à quoi ses mots font référence, pour ensuite me les approprier comme s’il s’agissait de ma propre façon de parler, et de penser.

Madame de Sévigné revendique sa liberté, mais l’amour débordant qu’elle porte à sa fille fini par l’enfermer.
Je me suis dit que Françoise était un peu borderline, qu’elle avait besoin d’être accompagnée. Le lien d’inquiétude qui se crée entre le parent et l’enfant peut s’avérer très toxique. Je peux comprendre que cette inquiétude puisse tourner à l’obsession, parce que les parents craignent toujours que leurs enfants disparaissent. Et je pense que c’est de ça dont il est question entre Madame de Sévigné et sa fille. Elle ressent chez elle une fragilité, quelque chose qui n’est pas complètement dans le cadre. Elle voudrait la protéger, mais on sait qu’il n’est pas possible de protéger éternellement ses enfants.

C’est votre première collaboration avec Isabelle Brocard, dont c’est le deuxième long-métrage. Comment en êtes-vous venues à travailler ensemble sur ce projet ?
Isabelle m’avait envoyé le scénario il y a des années. Le fait qu’elle n’ait pas réalisé beaucoup de films n’a absolument pas été un frein. Je trouve que les jeunes cinéastes ont une fougue, un enthousiasme… Ils sont capables de pallier leur manque d’expér ience par leur audace. C’est important de ne pas se couper des jeunes gens dans sa vie professionnelle, parce qu’ils véhiculent d’autres valeurs, d’autres façons de voir le monde.

Vous avez tourné avec beaucoup de réalisatrices au cours de votre carrière. Percevez-vous une différence de sensibilité lorsqu’un personnage que vous incarnez est écrit par une femme ?
Quand j ’ai commencé, les rôles féminins écrits par des hommes étaient souvent caricaturaux, pas très réalistes. Plein de réalisatrices ont ensuite envahi ma génération, et le fait qu’elles parlent d’elles-mêmes, à travers leurs films, leur ont permis d’écrire des rôles beaucoup plus réalistes. Maintenant, ce n’est plus très vrai, je ne crois pas que les réalisatrices soient les seules à être capable de bien écrire pour les femmes. Je pense par exemple aux frères Larrieu, à Christian Vincent, à Xavier Giannoli… Ils ont tous écrit des rôles magnifiques pour les femmes.

 

Cet article est issu du Mag by UGC.
Madame de Sévigné, à découvrir en ce moment au cinéma.

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