Après les succès planétaires de Your Name (2016) puis Les Enfants du temps (2019), le nouveau prodige du cinéma d’animation japonais signe un flamboyant récit sur les traumatismes d’un pays sinistré. Mais aussi une aventure lumineuse et fantastique à travers le temps, qui méritait bien une rencontre avec le maestro.

Comment l’idée de Suzume vous est-elle venue ?

Makoto Shinkai : Ma volonté première était de réaliser un road movie à travers le Japon contemporain. Lorsque j’ai pensé aux lieux que les protagonistes pourraient traverser, les ruines de contrées désertées par les catastrophes naturelles, ou par la diminution de la population, me sont venues en tête. C’est très actuel. Et puis la thématique du grand séisme qui a dévasté le Nord-Est du pays en 2011 s’est insérée, presque malgré moi. On voit d’ailleurs une maison en cours de reconstruction dans le film ; pour moi, ce lieu symbolise le traumatisme des Japonais.

Chez vous, on a toujours ce sentiment que le monde "réel" est travaillé par ces forces souterraine...

Dans Suzume, une créature [un ver géant, ndlr] vit sous terre. C’est une force invisible, mais je sais que certaines personnes voient ce que d’autres ne voient pas... Lors d’une rencontre publique au Japon, je me souviens qu’un garçon a pris le micro et m’a affirmé qu’il était un "verrouilleur" [à l'image de Sōta dans le film, chargé de fermer les portes qui mènent à un monde parallèle, ndlr] ! Personnellement, je ne suis pas quelqu’un de spirituel et je n’aurais d’ailleurs pas envie de voir cette créature.

D’où provient-elle, d’ailleurs ?

Ce ver figure les séismes qui surviennent au Japon. Il faut savoir qu’il y a 200 ou 300 ans, on pensait réellement qu’une immense créature vivait sous les îles japonaises ! On la représentait sous forme d’un poissonchat géant, dont les mouvements souterrains provoquaient des tremblements de terre. Les gens y croyaient dur comme fer à l’époque. C’était leur science, leur vision du monde. Peut-être même qu’il existait des verrouilleurs.

En parlant de poisson-chat, vous mettez en scène des chats depuis vos premiers courts métrages jusqu’à Suzume. Pourquoi cet animal en particulier ?

J’ai toujours eu des chats. C’est un animal vraiment très spécial, très intime pour moi. Celui que j’ai aujourd’hui, je l’ai d’ailleurs baptisé Suzume ! Mais il n’y a pas que moi, puisque c’est l’animal le plus aimé au monde ; il suffit de constater son succès sur internet. Au Japon, beaucoup de gens nourrissent ainsi les chats qu’ils trouvent. J’ai moimême hâte de rentrer pour revoir mon Suzume, à tel point que j’ai le sentiment d’être manipulé par les chats. (Rires.)

La densité esthétique de vos films est impressionnante. Quel est le processus créatif pour arriver à un tel résultat ?

J’ai une équipe passionnée. C’est un travail de si longue haleine... Sur le plan technique, je réalise d’abord seul l’animatique ; c’est-à-dire un storyboard animé, qui couvre les 2 heures de film. Celui de Suzume m’a demandé environ 1 an et 3 mois de travail. Bien que ces dessins préparatoires soient rudimentaires, j’y mets déjà des indications de lumières, etc. Pour mon équipe, c’est comme un plan d’architecture : une fois l’animatique achevée, chaque département se plonge dans des tâches précises. Certains partent en repérages, d’autres élaborent les décors en images de synthèse... C’est un vrai travail collectif.

À quel point le séisme de 2011 a-t-il changé votre manière de faire des films ?

Chez moi, le changement fut radical. Depuis ce séisme, je ressens comme une culpabilité : d'une part parce que je réalise des films d’animation qu’on dirait "nonessentiels" à notre vie ; d’autre part parce que la catastrophe s’est produite loin de Tokyo, où j'habite. À ce moment-là, je me suis senti soulagé de ne pas faire partie des sinistrés... Cette culpabilité a ensuite bouleversé mon rapport aux films. Je me suis demandé : "Comment évoquer le sort des sinistrés en tant que cinéaste, qui plus est à l’intérieur du cinéma d’animation de divertissement ?" Cette réflexion n’a cessé d’irriguer mon travail depuis.

Cette interview est issue du Mag by UGC.

Suzume, à découvrir actuellement dans nos cinémas. Ce film a reçu le label UGC M.

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