Quatre ans après sa première sélection en compétition à Cannes pour Sibyl (2019), Justine Triet s’est vu remettre cette année la récompense suprême du Festival, par le Jury présidé par Ruben Östlund. On s’est entretenus avec la cinéaste, qui a déroulé pour nous le fil de son saisissant film de procès.

Après Laëtitia, Victoria et Sibyl, Sandra rejoint votre galerie de personnages féminins complexes et passionnants. 

Le film est construit comme un kaléidoscope, c’est le procès qui va nous permettre de découvrir en profondeur le personnage. C’est un double mouvement. Je me suis inspirée de Sandra (Hüller) elle-même. Et le temps de l’écriture, chez moi toujours très long, m’a permis de faire en sorte que son personnage soit véritablement passionnant. C’est une joie d’écrire des rôles comme ça, parce que c’est exaltant d’être face à des personnages féminins qui ne sont pas seulement définis par leur statut de femme, de mère, d’amante… Les femmes sont plus complexes que ça. 

Le personnage est-il né du désir de faire de Sandra Hüller l’une des héroïnes de votre cinéma ? 

J’ai rencontré Sandra sur le tournage de Sibyl, et ça a été un vrai coup de foudre. Pas seulement de mon côté d’ailleurs, Virginie Efira et Adèle Exarchopoulos l’ont également adorée ! Elle avait un très petit rôle dans lequel elle s’est beaucoup impliquée. J’ai mis du temps avant de savoir dans quel genre de projet, mais j’avais effectivement un très fort désir de la faire jouer. 

Aviez-vous d’abord pensé confier le rôle à Virginie Efira ? 

J’adore Virginie, j’aimerais beaucoup retravailler avec elle. Pour ce rôle, je cherchais plutôt quelqu’un qui maîtrise mal le français, ce qui n’est pas le cas de Virginie ! [rires].  L’idée était de mettre la langue au centre, d’en faire un élément qui donne corps à la difficulté de se comprendre. Dans le film, la langue est une frontière, un filtre supplémentaire entre Sandra et la réalité. D’ailleurs, c’est un filtre qui sera disséqué lors du procès : lorsqu’elle s’exprime en français, on s’imagine qu’elle a préparé son discours et quand elle parle en anglais, elle paraît davantage dans l’émotion, ce sont les moments où elle flanche. 

Vos films questionnent systématiquement le rapport trouble entre la fiction et la réalité, notamment à travers ce personnage récurrent du romancier qui injecte des éléments de sa propre vie dans son œuvre. 

J’adore la fiction parce que c’est un endroit où l’on peut se cacher. J’aime beaucoup ce que dit l’écrivaine Joan Didion à ce sujet, que la fiction lui permet de résoudre ses problèmes. Je pense que dans mon cas, elle permet plutôt de les mettre à distance. Le fait que Sandra soit écrivaine est ici un prétexte de plus pour l’accusation, qui va disséquer son œuvre dans tous les sens, de pouvoir affirmer qu’elle est forcément coupable. 

L’enfant du couple, Daniel (Milo Machado Graner), occupe pour la première fois une place centrale dans votre film. 

C’est vrai, c’est le premier film dans lequel j’ai eu envie de donner la parole à un enfant. Lorsque j’ai commencé l’écriture – ma fille avait environ 9-10 ans –, je me suis rendu compte qu’à ce moment-là de leur vie, les enfants commencent à avoir une vision autonome de leurs parents. 

Pourquoi avoir choisi d’en faire un personnage malvoyant ? 

Le film est construit sur le manque, et sur l’idée que ce manque ne sera que partiellement comblé. Il y a des choses qu’on va résoudre, qu’on va comprendre, et d’autres pas. Le fait que Daniel vive avec ce manque m’a paru être une idée très forte. D’une certaine façon, il est dans une position semblable à celle du spectateur, puisqu’il ne dispose pas de tous les éléments pour comprendre ce qu’il s’est passé. 

Comme tous vos personnages, Sandra est prise dans une spirale incontrôlable. D’où vient votre fascination pour ce motif ? 

Je pense qu’il y a un intérêt cathartique. Le film est conçu comme une musique qui tourne en boucle. C’est aussi une cartographie de la vie de ce couple, qui va être analysée obsessivement, jusqu’à l’invisible. La spirale, c’est le motif même du procès, l’endroit où on essaie de comprendre un événement en en faisant inlassablement le tour. Quand Daniel dit à la fin : "Quand on a fait le tour et qu’on n’a pas compris, on se demande pourquoi", il démontre que tout le film n’est qu’une ronde autour de cette femme, qu’on cherche à comprendre, à analyser.

Cet article est issu du Mag by UGC

Anatomie d'une Chute, à découvrir actuellement dans nos salles.

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