DRAGONS
Sur l’île de Beurk, vikings et dragons se livrent un combat dont aucun ne sort jamais vainqueur. C’est dans cette ambiance qu’Harold, fils du chef de tribu Stoïck, a été élevé et son père aimerait faire de lui un guerrier. Problème : le jeune homme préfère développer une amitié avec Krokmou, un dragon de la race des furies nocturnes. Pas simple.
Pourquoi y aller :
C’est le nouveau concept qui donne le tournis à l’industrie hollywoodienne : redonner une vie en chair et en os aux dessins animés de nos enfances. La Petite Sirène, Blanche Neige ou, plus récemment, Lilo & Stitch ont déjà eu droit à cette transformation, entraînant souvent plus de polémiques que d’enthousiasme. Et si la réinvention du film d’animation culte Dragons en blockbuster merveilleusement 80s inversait ce mouvement ? En l’état, l’auteur des deux versions, le Canadien Dean DeBlois, a pris soin de rester fidèle à l’émotion, à l’humour, mais aussi à la virtuosité des scènes d’action du matériel original. La mélancolie n’est pas non plus absente de ce récit épique qui raconte, en creux, plein de choses sensibles – la difficulté à s’extraire d’une société masculine et guerrière, l’animal mythologique comme seul compagnon possible pour devenir adulte, la naissance de l’amour… Résultat, ce pur blockbuster tout public crache parfois un sacré feu de film d’auteur.
DEAN DEBLOIS, RÉALISATEUR DE DRAGONS
Cela faisait un moment qu’on n’avait pas vu des dragons à l’écran et soudain, la série Game Of Thrones a remis cette créature au premier plan. De quelle manière avez‑vous bénéficié de ce retour de flamme ?
En tant que grand consommateur d’heroic fantasy, je fais partie des gens qui pensent que Game Of Thrones marquera à jamais l’histoire de la pop culture. Le niveau d’exigence visuelle de cette série est tellement impressionnant… L’écriture des personnages tout autant que les arcs narratifs. Maintenant, peut-on dire que le succès de cette série a changé l’image que l’on se fait du dragon ? Pas tant que ça. En revanche, le phénomène autour de Game Of Thrones a permis de dédiaboliser la figure du dragon auprès des décideurs. Tout d’un coup, les flops spectaculaires au box-office de films comme Eragon ou Reign Of Fire ont été oubliés.
Au départ, ce sont les cadres d’Universal qui vous proposent de vous atteler à une version live‑action de votre célèbre film d’animation Dragons. Avez‑vous hésité avant de répondre par la positive ?
Pas tant que ça… À l’époque où l’on me fait cette proposition, j’ai plein de projets de longs-métrages et de films d’animation dans les cartons, mais aucun n’a encore reçu le feu vert pour entrer en production. Alors, la seule réflexion qui m’a guidé est plutôt celle-là : si quelqu’un doit adapter Dragons en prises de vues réelles, autant que ce soit celui qui connaît le mieux cet univers, à savoir moi. À la base, ma volonté était de ne surtout pas dénaturer une histoire qui avait déjà prouvé qu’elle tenait sur ses deux jambes. Je savais qu’on pouvait améliorer certains rendus visuels ou renforcer le caractère spectaculaire de certaines scènes d’action, mais je savais aussi que l’essentiel d’un tel projet était de savoir en préserver le cadre.
Ce respect de l’histoire est‑ce quelque chose que vous avez retenu de l’époque où vous faisiez vos premiers pas au sein des studios d’animation créés par le célèbre disciple de Disney, Don Bluth (Fievel et le Nouveau Monde, Anastasia) ?
Mon expérience avec Don Bluth m’est encore très utile aujourd’hui. Je le dis d’autant plus volontiers que les films sur lesquels j’ai bossé au sein de Sullivan Bluth (studios d’animation américano-irlandais créés par Don Bluth, ndr) n’étaient pas si bons que ça. (sourire), Mais au moins on a toujours travaillé avec cette idée à l’esprit : le cahier des charges, c’est le respect des spectateurs. Je me souviens d’une chose que Don Bluth répétait souvent à ses équipes :
« Notre obligation, en tant que cinéastes, c’est que toutes les personnes associées à nos films se sentent fières du résultat final. Assez, en tout cas, pour avoir envie d’emmener leur famille et leurs proches dans les salles dès leur sortie ! » J’associe également cette volonté de faire un cinéma tout public qui ne se fiche pas du monde à Steven Spielberg, qui reste ma plus grande influence en tant que metteur en scène.
Pourquoi est‑il resté votre grande référence ?
Spielberg est un réalisateur techniquement très sophistiqué, mais qui part toujours d’une histoire dans laquelle tout le monde peut se projeter. Avec E.T., l’extra-terrestre, il a imposé un type de film fantastique qui, selon moi, ne vieillira jamais : deux personnages marginaux se rencontrent, se comprennent
instinctivement et vont s’aider mutuellement à grandir, à vaincre leurs peurs. Alors certes, l’amitié entre les deux héros est resserrée sur une petite période, mais ça n’empêche pas d’y faire passer plein d’enjeux humains… Que ça soit avec Dragons, ou à travers d’autres projets, j’ai toujours gardé en tête le choc fondateur que reste E.T..
On dirait d’ailleurs que vous avez pensé Krokmou, le dragon principal de votre film, comme un clin d’œil au personnage de E.T., l’extra‑terrestre. Vous confirmez ?
Quand on a lancé la version « live action » de Dragons, plein de questions se sont posées sur les comédiens, les décors, les costumes, les effets spéciaux, le caractère immersif des scènes d’action. Est-ce trop sombre ou alors trop naïf ? La seule chose qui n’a jamais varié, c’est le rendu graphique de Krokmou. Je pense que cela aurait été une erreur de le rendre moins mignon que dans les dessins animés d’origine. On aurait trahi l’esprit. Si des enfants et des adultes se sont autant identifiés à l’histoire de Dragons, c’est que cette créature nous renvoie à deux souvenirs fondateurs : les blockbusters des années 1980 et les moments passés avec un animal de compagnie. Après tout, entre le chat ou le chien de notre enfance et le dragon, il y a probablement des points communs.
Vous avez des souvenirs personnels qui vont dans ce sens ?
Moi aussi, j’ai été un petit garçon solitaire ! Je dessinais sans arrêt et je restais enfermé dans ma chambre. Parfois je me plongeais dans mes comic books, comme la série des Coneheads. D’autres, c’étaient les romans d’heroic fantasy, comme Le Seigneur des anneaux, que j’ai commencé à lire très jeune. Bref, ma connexion au monde réel était assez biaisée. (sourire) Dans ce genre de cas, un animal de compagnie peut tout changer. Il vous donne la confiance qui vous fait défaut. Pour ma part, je me suis énormément occupé du chat que nos voisins avaient laissé quasiment à l’abandon et qu’on voyait errer dans le quartier telle une âme en peine. Une curieuse empathie est née. Je me suis mis à nourrir ce chat en secret et je lui ai construit une cabane tout à fait décente, alors que je ne suis pas un incroyable bricoleur. Cette histoire personnelle raconte sans doute en creux pourquoi je suis tellement attaché à Dragons.
Cet article est issu du Mag by UGC.
Dragons, un film labellisé UGC Aime, à découvrir actuellement au cinéma.